omme beaucoup de commune du Rouergue Méridional, Saint-Félix de Sorgues se dota d’un fort au XVème siècle, venant protéger les habitations qui s’étaient développées autour du château de la commanderie, construit trois siècles plus tôt.
Peut-être, existait-il déjà une enceinte primitive entourant le château et la fontaine dans sa basse-cour, puisqu’on retrouve le terme de « paliège », pour une rue perpendiculaire à la rue du Four et remontant, jusqu’au rempart Nord. Mais il n’en reste aucune trace aujourd’hui.
Cette enceinte, qui donnait au village l’aspect d’une importante bastide fortifiée, fut construite après la guerre de cent ans et à la suite des passages dans la région de troupe de brigands, constitués notamment de certains anciens soldats désœuvrés. Un nom ressort souvent : Rodrigue de Villandrando, véritable mercenaire à la solde de puissants seigneurs. Avec ses 10 000 « écorcheurs » (la plupart d’origines anglaises), ils terrorisent et rançonnent notamment les populations et les seigneurs des régions sud rouergates qu'ils traversent, saccageant et pillant de nombreuses bastides.


Rodrigue de Villandrando et son blason

n l’affaire d’une dizaine d’années, toutes les communautés de la vallée de la Sorgue et les commanderies du plateau du Larzac vont se pourvoir d’une enceinte, prouvant une volonté commune de se protéger, édictée en fait par le roi de France et certainement régentée par les instances locales de l’Ordre des Hospitaliers dans le cas des commanderies.

C’est en 1438 précisément que Dardé-Etienne d’Alaus est chargé de faire construire une enceinte autour de Saint-Félix. Il emploiera un certain Jean Bru du Viala, avec pour salaire « 8 moutons d’or, plus un quartier de viande salée ».

Si les enceintes de la Couvertoirade, La Cavalerie et Saint-Eulalie, sont aujourd’hui des exemples rares de fortifications hospitalières (certes, très bien restaurées), à Saint-Félix le fort est difficilement discernable au milieu des habitations et il n’en reste malheureusement que très peu de vestiges.

Le village actuel, assis sur un étage de la vallée, est très étendu d’Ouest en Est, le fort se trouvant côté Ouest. L’enceinte était plutôt comparable à un hexagone dont la partie inférieure serait aplatie.

Cette enceinte, dont on retrouve aujourd’hui, après analyse minutieuse, la majeure partie, incluait 3 tourelles et deux portes, peut-être différentes suivant les époques. Sa circonférence était d’environ 380 mètres. Sa plus grande longueur, qui représente aussi la rue de la Ville, est de 125 mètres, pour une largeur de 100 mètres environ.


Plan schématique du fort de 1438 (avec intégration du plan de l'église avant 1873)

lors faisons ensemble le tour du Fort !

L'extérieur du Fort :

Partons de l'entrée principale : la porte Saint-Jean (du nom du Saint patron des Hospitaliers), est une belle porte gothique couplée avec un ravelin (construction de protection militaire de l'entrée du fort), dont il ne reste plus rien si ce n'est le nom de la rue qui a évolué (rue du revelin).

Photo gauche porte - Photo Porte Saint-Jean - Photo droite porte

De chaques côtés de la porte s'étend le rempart, dont la partie droite rejoint l'angle de l'emplacement de la croix, qui était une tour possible du château. La partie gauche s'étend jusqu'à un angle à trois faces, formant la tour Sud-Ouest du fort.

Photo tour Sud-Ouest

On continue de suivre le rempart vers le nord (en imaginant que l'ouverture de la Font Rouge n'existe pas) et on monte les escaliers en direction du vieux cimetière (la maison Rouve est accolée à l'extérieur des remparts) pour trouver la deuxième tour angulaire, la tour Nord-Ouest.

Photo enfilade Fond Rouge - Une meurtrière dans la maison de Michel Leroy

La Tour Nord-Ouest est la mieux conservée et sur le rempart descendant, reste une trace du chemin de ronde : il passait par ce qui est aujourd'hui un balcon et descendait le long de la maison où l'on distingue le décrochement des dalles sur le crépi du gîte rural.

Tour Ouest avec meurtrières - Chemin de ronde

La troisième tour se situe à l'extrême nord de l'enceinte, avant de redescendre vers le mas Cocut. On distingue encore aujourd'hui la courbure des murs et les lourds travaux de restauration d'André Gozzi ont permis de mettre en valeur les restes de cette tour, dont une meurtrière, orientés à l'est.

Tour Nord - Détail d'une meurtrière vue de l'intérieur

Vue en enfilade du rempart du Mas Cocut - Une meurtrière chez André Gozzi, orientée Nord

On remarque que l'angle de la rue du Mas Cocut, est un angle franc qui ne comprenait pas de tour. Ensuite, il faut s'imaginer que la maison Couic n'existe pas, le rempart la coupant en deux. On remarque d'ailleurs, sur le toit de celle-ci une ouverture qui devait certainement être destinée au chemin de ronde. Ceci est confirmé par la présence d'un reste du chemin de ronde dans cette maison avec ses larges dalles qui font un décrochement du mur à l'extérieur (comme à l'ouest).

Angle Nord-Est du fort (sans tour) / Maison Couic - Détail du toit - Détail du chemin de ronde

a deuxième porte ayant existée très tôt, dite porte de "la Tourelle", se trouve entre la maison Couic et le mur de La Poste. On remarque, au pied de ce mur, que deux pierres ressortent à ras du sol. Peut-être un élément de construction de la porte ? Une possible butée ?

Détail des pierres, à la base de la porte de la Tourelle

e nom de "Tourelle" provient de l'emplacement d'une tour proche, certainement l'actuel "balcon fermé" du bâtiment de la mairie. Cette tourelle a supporté un temps l'horloge du clocher de la chapelle hospitalière. Un temps en effet, car la grosse cloche n'avait pu y être accrochée et la petite cloche, elle, ne produisait pas l'effet escompté : "rappeler les gens alentours, à l'office ou en cas de danger". Cependant, les voisins de ce clocher temporaire, eux, entendaient fort bien et se plaignaient du bruit. Par conséquent, et suite à une décision des consuls, l'horloge et ses cloches réintégrèrent leur place originelle.

n retrouve ensuite logiquement le mur de la maison de La Poste, qui est en fait le rempart, maintenant rempli d'ouvertures (à une autre époque, seules les meurtrières devaient s'y trouver, dont les trois encore visible aujourd'hui) et ce rempart stoppe sa route sur le château manquant.

Mur de La Poste - Détail de la profondeur des ouvertures et des deux meurtrières


Fenêtres donnant sur l'intérieur de l'enceinte : présence d'un bâtiment accolé sur le mur extérieur du Fort, à gauche et tout proche de la porte de Saint-Jean

Voir document complémentaire sur le Fort de Saint Félix dans la partie Document de ce site

L'intérieur du Fort :

'intérieur du Fort était desservi par plusieurs rues dont l'artère principale était la rue de la Ville, qui le traversait d'ouest en est, jusqu'à la "plaço de daban la fon". La place de la fontaine devait être plus grande que maintenant et peut-être qu'originellement une église se trouvait autour, avant même l'arrivée des Hospitaliers. En effet, comme le fait remarquer l'abbé Aninat, "au début la chapelle était réservée au château et donc il devait y avoir une église pour les gens du village, peut-être primitive" ce qui est confirmé par le don, à l'ordre de l'Hôpital, de l'église de Saint-Félix, par Pierre de Caylus en 1146. Une rue plus ancienne, et qui n'existe plus, partait de la rue de la Ville et montait jusqu'à la tour Nord, c'était la rue de la "paliega" (palissade selon le curé Aninat, ancien mur d'une enceinte qui aurait préfiguré le Fort de 1438). La rue Saint-Jean portait logiquement le nom de la Porte du Fort et de même pour la rue du Four.

« La Maison de Ville » bâtiment du 17ème siècle, aujourd'hui médiathèque « Jean Laroze »

La construction de ce bâtiment coïncide avec celle de l'enceinte de Saint-Félix en 1438. Il fut accolé au mur Nord que l'on distingue au-dessus du toit de la salle des consuls. Ce fut le centre névralgique de la communauté saint-félicienne durant plusieurs siècles. Il porta tour à tour le nom de Maison de Ville ou Maison Commune et servit aussi temporairement suivant la conjoncture historique, de lieu de culte pour les protestants et les catholiques. Mais il comprenait surtout le four commun, où toute la communauté venait chercher son pain quotidien.

Détruit en 1685, reconstruit plusieurs années après, nous ignorons si le nouveau bâtiment avait conservé l’aspect et les dispositions de l'ancien, mais il reprit néanmoins les fonctions des trois parties distinctes :

La salle commune et le four au fond à gauche

La salle des consuls, située au-dessus de la salle commune

Ce coffre ainsi que deux malles furent recueillies dans la maison Jugla Ricateau (aujourd'hui maison de Chantal et Laurent MACIET) et remis à Jean LAROZE dans les années 1960, ce qui lui permis d'écrire 4 impressionnants ouvrages pour un si modeste village, ainsi que de nombreux articles dans diverses revues.

C'est donc un juste retour des choses que cette bibliothèque porte le nom de ce grand promoteur de l'image de Saint-Félix au travers de son histoire.

Dans le quartier de la Paliège tout proche se trouvait la tour Nord déjà évoquée plus haut, qui outre son rôle défensif, servait aussi de prison, comme il est inscrit sur le plan cadastral de 1750.

TourNord

Les prisons de Saint-Félix : certainement un lieu où il ne faisait pas bon vivre

Les Cimetières :

Le cimetière médiéval principal se trouvait sur la place de l'église. Il fut comblé jusqu'au rempart et la pente de la place fut donc inversé, lorsque ce que nous appelons aujourd'hui le cimetière vieux ne viennet le remplacer aux alentours de 1750. En 1855, celui-ci devint trop exigu et il fut agrandi en achetant les terres contiguës. Le cimetière actuel vint le remplacer en 1930.

La place de l'église : anciennement cimetière, en pente douce jusqu'aux bas des remparts

Les Faubourgs (Barri en occitan)

l'extérieur du Fort, des faubourgs se sont peu-à-peu étendus dus à l'accroissement de la population. On trouvait le faubourg de Saint-Antoine, à partir de la porte de la Tourelle jusqu'au début de la côte du Barri (qui a pris le nom de "quartier"), puis "Lou barri des Airals", suivi par "lou Mourtissou" puis "la Peyrada". Le dessous de la place s'appelait logiquement "le barri de dessous lou Caste" et les jardins autour du lavoir "l'airo del Castel". Le lavoir, justement, n'a connu sa forme actuelle qu'au début du XXème siècle, et on sait qu'il avait déjà été modifié au cours du siècle précédent et se trouvait à peu près au même endroit.

Le lavoir : un lieu d'échanges et de rencontres important pour la communauté
(jusqu'à l'arrivée de l'eau courante dans les maisons)

Côté Saint-Affrique, on trouvait "lou barri de Villa Nova" et vers l'ancien chemin de Mascourbe "lou barri del Coffor" (peut-être pour fourche, le chemin se divisant en deux). Les noms des terres et champs de la commune n'ont pas trop changés et on les retrouve d'ailleurs sur le cadastre d'aujourd'hui.


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